Peut-être avez-vous eu la chance de vous procurer une liseuse pendant la pandémie… Mais est-ce environnementalement intéressant en comparaison de nos bons vieux livres papier ? Ou plutôt, comment devriez-vous l’utiliser pour que cet objet soit écologique ?
Quel est l’impact de l’industrie du livre actuellement au Québec ?
Au Québec en 2018, la vente de livres neufs a généré 613 millions de $. La vente de livres numériques, elle, représente moins de 1% de cette valeur. Il se vend environ 370,000 livres numériques par an au Québec. Par ailleurs, les usines de pâtes et papiers sont les 2e plus gros consommateurs d’énergie et émetteur de GES du secteur industriel après les alumineries, soit 11.9 % des GES du Québec[1]. Regardons d’un peu plus près d’où provient cette empreinte.
Quel est le cycle de vie d’un livre papier ?
Le cycle de vie d’un livre commence par la production de bois de trituration. Le bois est ensuite déchiqueté puis transformé en pâte à papier soit par procédé mécanique (avec un défibreur) soit, pour un papier de meilleure qualité, par un procédé chimique à haute température pour séparer la cellulose de la lignine. La pâte de couleur écrue qui en sort est souvent blanchie grâce à des produits chimiques puis acheminée dans les usines de fabrication de papier. La pâte y est pressée, lissée, séchée et le papier enroulé dans de grandes bobines. Viens ensuite les activités d’édition et les étapes d’impression et d’assemblage du livre qui sera distribué et mis en vente chez les libraires ou sur internet. Après lecture, le livre pourra être stocké chez le lecteur ou réutilisé, mis au recyclage ou aux vidanges en fin de vie.
Quelle est l’empreinte environnementale d’un livre papier ?
D’après une étude menée en Suède qui a un contexte énergétique similaire au Québec, un livre à couverture rigide de 360 pages émet 1.2 kgCO2eq sur tout son cycle de vie. Au-delà des impacts sur le changement climatique, 50% de l’empreinte environnementale est due à la production de la pâte et du papier à cause de la production de chaleur et du blanchissement du papier. En passant, le papier québécois à une empreinte carbone deux fois plus faible que la moyenne mondiale grâce à notre électricité peu carbonée. Par ailleurs, environ 20% de l’empreinte du livre est due au déplacement en auto (2km) pour aller acheter son livre. Alors le mieux serait d’aller acheter son livre à pied ou de le commander sur internet et le faire livrer à domicile.
Bien entendu, de nombreux paramètres peuvent influencer l’empreinte du livre comme le format du livre, le nombre de pages, le type de papier (grammage, brut ou blanchi), le type d’impression (couleur ou N&B), le type de finition (mat ou glacé), avec ou sans illustration…
Les papiers recyclés ou certifiés ont une empreinte légèrement meilleure que celle du papier vierge. Mais leur principal avantage est qu’ils limitent les dérives associées à la production croissante du bois pour le papier, comme la déforestation qui a un impact important sur la qualité des écosystèmes.
Si j’achète mon livre en seconde main, est-ce mieux ?
Une chose est sure, plus on utilise un objet, plus on amortit son empreinte ! C’est le cas pour les livres. Si un livre est utilisé deux fois, il aura deux fois moins d’impact à chaque utilisation, etc. Donc, n’hésitons pas à acheter de seconde main. D’ailleurs, les biens de divertissement dont les livres font partie sont les 2e biens de seconde main les plus échangés au Québec.
Et qu’en est-il du livre numérique ?
Le cycle de vie d’un livre numérique commence par les étapes liées au contenu du livre numérique qui incluent les activités d’édition, la librairie en ligne avec stockage des livres numérique, le téléchargement. Pour lire un livre numérique, il faut aussi une liseuse qui est souvent produite en Chine et distribuée jusqu’au lecteur. Vient ensuite l’étape de lecture du livre avec utilisation d’électricité pour faire fonctionner la liseuse, et enfin la fin de vie de la liseuse.
Une étude récente estime qu’utiliser une liseuse de type Kindle pour lire des livres numériques émet 14 kgCO2eq sur la durée de vie de la liseuse, qui dure environ 3 ans. Plus de 95% sont dues à la production de la liseuse dont la moitié est causée par la production des cartes de circuits imprimés, puis le chargeur et l’écran.
Combien de livres faut-il lire pour rentabiliser sa liseuse ?
Avoir une liseuse vaut la peine si on remplace 4.7 livres papier neufs par an par des livres numériques. Ça représente 14 livres sur la durée de vie de la liseuse. Cependant, ce calcul est fait pour un livre neuf à couverture rigide de 360 pages. Si on a plutôt tendance à acheter des livres de poche qui sont deux fois moins lourds ou des livres de seconde main, il faudrait remplacer plus de 9 livres par an, soit 27 livres sur la durée de vie de la liseuse…
Par ailleurs, une étude menée aux États-Unis à montrer que ceux qui utilisent uniquement des livres papier lisent environ 5 livres/an alors que ceux qui ont une liseuse en lisent 5 fois plus. Plus surprenant, ces personnes continuent à lire environ 40% de livres papier et 60% de livres numériques. Donc, sur une année, l’empreinte carbone des activités de lecture de ceux qui ont une liseuse est plus de 2 fois plus importante que ceux qui ne lisent que des livres papier. Cependant, cela ne représente qu’environ 13 kgCO2eq/personne/année soit une auto roulant sur environ 40km. Lire reste donc une activité de loisirs peu polluante même sur liseuse et l’impact par livre est en moyenne 30% plus faible avec une liseuse.
Finalement, quelles sont les meilleures options pour lire un livre ?
En fait, tout dépend du type de lecteur qu’on est et des habitudes que l’on a!
- Pour un lecteur occasionnel, mieux vaut privilégier les livres papier de seconde main, en format de poche ou avec un papier moins polluant ou aller à la bibliothèque.
- Pour un lecteur régulier (plus de 5 livres/an) et qui aime mieux acheter neuf, une liseuse serait une bonne option.
- Si on préfère habituellement les livres d’occasion ou les formats de poche, il faut remplacer plus de 9 livres d’occasion par an pour que la liseuse soit justifiée.
- Enfin, si on a une liseuse, autant l’utiliser au maximum et prolonger sa durée de vie le plus longtemps possible.
Ce blogue était à l’origine une chronique de Laure Patouillard à Moteur de recherche, une émission de radio de Radio-Canada, qui a été diffusé le 8 janvier 2020.
Bibliographie
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Borggren, C., Moberg, A., & Finnveden, G. (2011). Books from an environmental perspective-part 1: Environmental impacts of paper books sold in traditional and internet bookshops. International Journal of Life Cycle Assessment, 16(2), 138–147. https://doi.org/10.1007/s11367-011-0254-1
Moberg, Å., Borggren, C., & Finnveden, G. (2011). Books from an environmental perspective-Part 2: E-books as an alternative to paper books. International Journal of Life Cycle Assessment, 16(3), 238–246. https://doi.org/10.1007/s11367-011-0255-0
Teehan, P., & Kandlikar, M. (2013). Comparing Embodied Greenhouse Gas Emissions of Modern Computing and Electronics Products. https://doi.org/10.1021/es303012r
Sun, M., Wang, Y., Shi, L., & Klemeš, J. J. (2018). Uncovering energy use, carbon emissions and environmental burdens of pulp and paper industry: A systematic review and meta-analysis. Renewable and Sustainable Energy Reviews, 92(May), 823–833. https://doi.org/10.1016/j.rser.2018.04.036
Durif, F., Arcand, M., Ertz, M., & Connolly, M. (2018). L’indice Kijiji de l’économie de seconde main.
La fabrication du livre et son impact écologique | Dossier. (n.d.). Retrieved January 2, 2020, from https://www.futura-sciences.com/planete/dossiers/developpement-durable-fabrication-livre-son-impact-ecologique-1335/
[1] 1,33 Mt éq. CO2, inventaire des émissions de GES du Québec de 2017