C’est quoi une empreinte carbone?

L’empreinte carbone est un indicateur de la contribution du cycle de vie de nos activités aux impacts sur les changements climatiques
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« L’empreinte carbone ne prend visiblement pas en considération la destruction de la biodiversité. Est-ce le cas? » La réponse courte est oui et non ! Regardons ça de plus près.

Qu’est-ce que représente une empreinte carbone?

Le mot empreinte réfère à la trace que nos activités humaines laissent sur l’environnement en considérant leur cycle de vie. Le mot carbone indique que l’on quantifie un enjeu environnemental spécifique qui sont les changements climatiques. L’empreinte carbone est donc un indicateur de la contribution du cycle de vie de nos activités aux impacts environnementaux potentiels sur les changements climatiques.

C’est quoi le lien entre les GES et les changements climatiques ?

Les changements climatiques actuels ont comme point de départ les émissions de GES anthropogéniques, c’est-à-dire dues aux activités humaines, qui sont principalement le CO2 émis lors de la combustion des énergies fossiles, et le CH4 et le protoxyde d’azote provenant des activités agricoles. Les GES sont des substances qui contribuent à retenir l’énergie solaire sous forme de chaleur proche de la surface de la Terre, le fameux « effet de serre ».

Regardons de plus près le lien entre les GES et les changements climatiques, c’est-à-dire la chaine de cause à effet des changements climatiques. Les émissions de GES de nos activités causent une augmentation de la concentration des GES dans l’atmosphère. Cela modifie le bilan radiatif de la Terre en provoquant une augmentation du forçage radiatif : en d’autres termes, une partie du rayonnement infrarouge de la Terre, qui avant était émis dans l’espace, est renvoyé vers la surface terrestre, provoquant en moyenne une augmentation des températures à l’échelle mondiale. Cela engendre des modifications des systèmes physiques : fonte des glaces, fortes précipitations, sécheresses, montée du niveau de la mer et érosion des côtes; qui entraine par la suite des changements sur les systèmes biologiques (feux de forêts, migration d’espèces animales, perte de biodiversité, etc.) mais aussi des changements sur les systèmes humains (baisse des rendements agricoles qui aggrave les risques de malnutrition, prolifération de maladies, baisse de l’espérance de vie, disparition de territoires, etc.). Ultimement, nos émissions de GES ont donc un impact potentiel sur les écosystèmes et sur les humains.

Qu’est-ce qu’on mesure exactement dans une empreinte carbone ?

Généralement, une empreinte carbone est un indicateur exprimé en kg de CO2 équivalent. Elle ne représente pas directement l’impact sur la biodiversité ou sur la santé humaine mais exprime une contribution à l’augmentation du forçage radiatif. C’est donc un indicateur d’impact en amont de la chaine de cause à effet des changements climatiques et qui approxime indirectement les impacts ultimes des changements climatiques sur écosystèmes et humains.

Donc pour répondre à la question initiale, l’impact des changements climatiques sur la biodiversité est donc reflété indirectement dans l’empreinte carbone en CO2-eq car plus on augmente le forçage radiatif plus on augmente le risque d’impact sur la biodiversité, mais il n’est pas directement quantifié.

Le CO2 n’est pas le seul GES. Plus de 80 substances sont considérées comme des GES par le GIEC : le méthane, le protoxyde d’azote, les hydrofluorocarbure (HFCs) ou les perfluorocarbures (PFC). La contribution à l’augmentation du forçage radiatif de chaque GES va dépendre de sa capacité à absorber la chaleur et de sa durée de vie dans l’atmosphère. Chaque GES possède donc son propre Potentiel de Réchauffement Global (PRG) qui représente son potentiel de réchauffement pendant plusieurs années comparé à celui du CO2, d’où l’unité en CO2eq. Sur 100 ans, un kg de méthane équivaut à 28kg de CO2 et un kg l’hexafluorure de soufre 23 500kg CO2.

Comment fait-on concrètement pour calculer une empreinte carbone?

Même si le calcul de l’empreinte carbone reste sujet à débat, il se base généralement sur une approche cycle de vie. Mettons qu’on veuille calculer l’empreinte carbone d’un trajet en auto. La première étape consiste à faire l’inventaire des émissions de GES sur le cycle de vie du trajet en auto, c’est-à-dire les émissions directes lors de la combustion de l’essence dans le moteur, mais aussi toutes les émissions indirectes: la production de l’auto, de la route, du carburant, la fin de vie de l’auto, qui sont généralement estimées grâce à des bases de données. Pour calculer l’empreinte carbone, on va donc multiplier toutes les émissions de GES sur le cycle de vie par leur PRG respectifs puis agréger le tout en un résultat unique en CO2 équivalent. Ainsi on peut calculer l’empreinte carbone d’un produit, d’un territoire, d’une entreprise, d’un individu, etc.

Existe-t-il d’autres indicateurs pour mesurer l’impact des changements climatiques dus aux émissions de GES ?

Il existe d’autres indicateurs dans la littérature scientifique qui se trouvent plus en aval sur la chaine de cause à effet. Par exemple, un autre indicateur permet d’estimer le changement potentiel de température au bout d’une certaine période due aux émissions de GES, en prenant non seulement en compte l’augmentation du forçage radiatif comme pour le PRG mais aussi la réponse dynamique du climat à ce forçage radiatif, et notamment l’absorption d’une partie de la chaleur additionnelle par les océans.

Par ailleurs, d’autres indicateurs vont même jusqu’à estimer l’impact des émissions de GES sur la qualité des écosystèmes ou sur la santé humaine mais la modélisation en arrière de ces indicateurs est encore assez incertaine à cause de la complexité des interactions entre le climat, les écosystèmes et l’économie.

Est-il suffisant de mesurer l’empreinte carbone si on veut connaitre nos impacts sur l’environnement ?

Les changements climatiques sont un enjeu environnemental majeur auquel nous faisons face. C’est l’enjeu environnemental prioritaire pour de nombreux gouvernements et entreprises. En ce sens, l’empreinte carbone est un outil utile pour guider la réduction des émissions de GES.

Toutefois, les enjeux environnementaux ne se limitent pas seulement aux changements climatiques. Nos activités causent d’autres impacts environnementaux comme l’acidification, l’eutrophisation, la toxicité humaine, l’écotoxicité ou la raréfaction des ressources qui n’ont rien à voir avec les changements climatiques. Ultimement, l’environnement rend toutes sortes de services que l’on souhaite protéger comme la santé humaine, la qualité des écosystèmes, l’accès aux ressources naturelles et aux services écosystémiques. D’ailleurs, ce sont les impacts des changements climatiques sur ces différentes aires de protection que l’on cherche à limiter lorsqu’on réduit nos émissions de GES, et non les changements climatiques en tant que tels. Quand on veut agir pour l’environnement, il faut donc s’intéresser à tous les impacts potentiels sur l’environnement pour avoir un portrait exhaustif et éviter le déplacement d’impact d’un enjeu environnemental vers un autre. Par exemple, utiliser du bois pour le chauffage a moins d’impact sur les changements climatiques qu’utiliser du pétrole mais émet plus de particules fines qui ont un impact sur la santé humaine, notamment en ville.

Finalement, l’empreinte environnementale ça n’existe pas vraiment. Si on veut comprendre les impacts environnementaux d’un produit, il faut s’intéresser à différents indicateurs d’impacts environnementaux dont l’empreinte carbone fait partie.

Empreinte carbone, empreinte écologique, empreinte eau… c’est quoi la différence ?

Il existe une multitude d’indicateurs qui quantifient tous des enjeux environnementaux différents. L’empreinte écologique est un indicateur souvent utilisé dans les calculateurs d’empreinte individuelle, quand on vous dit qu’il faudrait 3 planètes si tout le monde vivait comme vous. Contrairement à l’empreinte carbone qui est un indicateur d’impact sur les changements climatiques, l’empreinte écologique est un indicateur de disponibilité de ressource. Il mesure la quantité de ressources renouvelables nécessaires pour permettre notre mode de vie et le compare à la capacité de notre planète à régénérer nos déchets en ressource. L’empreinte eau estime les quantités d’eau utilisées sur le cycle de vie d’un produit, et éventuellement les impacts de l’utilisation de cette eau sur différents enjeux environnementaux.

Si vous souhaitez comprendre, quantifier et valoriser l’empreinte carbone, suivez la formation du CIRAIG ou faites une demande pour une formation sur mesure.


Ce texte est tiré de la chronique de Laure Patouillard à l’émission Moteur de recherche Radio-Canada le 4 février 2020.


Bibliographie

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