Est-il plus écologique d’acheter des citrons frais ou une bouteille de jus de citron?

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Chaque année, le Canada importe plus de 100 000 tonnes de citrons. Cela revient à environ quinze citrons par personne par an. Ces citrons viennent surtout des États-Unis, d’Afrique du Sud, du Mexique, d’Argentine et d’Espagne. Même si quinze citrons par an ça ne semble pas beaucoup par personne, le fait que ce soit un fruit exotique, presque toujours importé, suggère un impact environnemental assez important.

Alors, quel est l’impact environnemental d’un citron?

Selon les chiffres de la base de données d’inventaire du cycle de vie de la consommation au Québec, développée par le CIRAIG, au Québec, 1 kg de citrons achetés génère environ 1.2 kg équivalent de CO2. En comparaison, 1 kg de pommes, c’est un peu moins de 1 kg équivalent de CO2. Globalement, le quart de cet impact vient de la production du citron et un autre quart vient du transport des citrons jusqu’à l’épicerie. Un troisième quart vient du traitement des déchets de citrons générés à la maison (peaux et les citrons qui se gâtent avant qu’on puisse les manger), et le reste se divise entre l’emballage et le trajet entre l’épicerie et chez soi.

Ces chiffres sont des moyennes et peuvent beaucoup varier selon le contexte. En particulier, l’impact du transport peut beaucoup augmenter s’il n’est pas optimisé, car les citrons doivent être réfrigérés pour être transportés. Et puisqu’un camion réfrigéré, ça consomme beaucoup plus qu’un bateau ou un train, si les citrons sont directement livrés depuis le Mexique en camion, l’impact serait jusqu’à 1.5 fois plus élevé. En fait, le transport a une forte contribution à l’impact total du citron, car l’impact de la production des citrons est plutôt limité, comme pour la plupart des fruits et légumes.

Pour plus de détails sur l’étape de production, des chercheurs ont étudié la production des citrons en Argentine et découvert que près de 90% des impacts viennent de la production et de l’épandage des produits chimiques (comme les engrais et les pesticides). Ces produits ont également un impact sur les écosystèmes qui n’est pas considéré lorsqu’on parle uniquement d’empreinte carbone. Le reste des impacts provient du carburant des machines utilisées dans les champs. L’irrigation, elle, a un impact important sur les ressources en eau, mais contribue très peu à l’impact sur les changements climatiques. 

Qu’en est-il du jus de citron?

Par exemple, une petite bouteille de 440 mL de jus de citron concentré contient l’équivalent du jus de 10 citrons. La production de cette bouteille revient à environ 20 g équivalents de CO2 par citron, soit moins de 2% de l’empreinte carbone d’un citron, toutes choses égales par ailleurs. L’étape du pressage de citron pour en extraire le jus va également avoir un petit impact supplémentaire, car elle demande de l’électricité.

De plus, une bouteille de jus de citron se conserve bien plus longtemps que des citrons frais. Cela permet notamment de réduire le gaspillage des citrons, donc d’en produire moins pour le même usage. À la maison, presque 20% des citrons achetés sont jetés sans avoir été utilisés, car ils ne sont plus bons pour la consommation. Réduire le gaspillage représente donc une réduction d’impact conséquente. Une durée de vie plus longue permet de réduire le gaspillage également lors des étapes de transport ou à l’épicerie. De plus, on peut supposer que les presses industrielles sont plus efficaces que nous à la maison : il y a non seulement moins de perte de citron, mais moins de pertes de jus par citron pressé. 

Enfin, le jus de citron ne représente qu’environ un quart du poids du fruit. Ainsi, transporter uniquement le jus en bouteille plutôt que le citron en entier est beaucoup plus efficace, ce qui va grandement diminuer l’impact du transport. Enfin, le jus de citron en bouteilles permet d’éviter la gestion de fin de vie à la maison de la peau et de la chair du fruit.

Mais cette peau et cette chair, les industriels vont aussi devoir les traiter, non?

Oui, mais pour eux, c’est surtout une matière première supplémentaire. Plutôt que de les enfouir ou au mieux de les composter, l’industriel qui récupère ces produits va chercher à les optimiser. Il va notamment pouvoir en extraire de l’huile essentielle et du limonène qui peut servir en parfumerie, dans l’industrie chimique ou encore dans l’industrie pharmaceutique. Une fois que tous ces éléments ont été extraits des peaux de citrons, celles-ci peuvent aussi être valorisées énergétiquement et remplacer une autre source d’énergie dans l’usine comme du diesel ou du gaz naturel. 

Ainsi, le citron répond à davantage de besoins que simplement fournir du jus de citron. L’impact de sa production est réparti entre ces différents produits, ce qui vient proportionnellement diminuer l’impact du jus de citron lui-même. 

Et le jus concentré alors?

Les propriétés nutritionnelles du jus d’un citron en bouteille (par exemple, sa teneur en vitamine C) sont très proches de celles du citron frais, si la bouteille est conservée dans un endroit frais, de la même manière que le citron. En revanche, un jus concentré a besoin de plus de transformations qu’un jus non concentré. Il faut notamment le déshydrater (retirer une grande partie de l’eau qui le compose) afin de le transporter et l’entreposer plus efficacement. Par la suite, de l’eau sera ajoutée à nouveau au moment de sa mise en bouteille afin de le rendre consommable directement pas le consommateur. Ces transformations peuvent altérer les propriétés nutritionnelles du jus de citron. Il faut donc bien y faire attention. 

D’un point de vue environnemental, d’un côté, cette opération de déshydratation puis de réhydratation demande de l’énergie, notamment sous forme de chaleur, et va donc avoir un impact additionnel. Néanmoins, elle va permettre de grandement réduire l’impact du transport, car ni la peau, ni la chair, ni l’eau du citron n’ont besoin d’être transportées. Déterminer si le jus concentré est meilleur ou pire que le jus non concentré en termes d’impact environnemental est complexe, car cela dépend beaucoup du type d’énergie utilisé d’un côté et du mode et de la distance de transport de l’autre.

De plus, les jus industriels, en particulier ceux à base de concentrés, sont souvent aussi accompagnés d’additifs et de conservateurs. Outre leurs potentiels effets sur la santé, ils vont permettre d’améliorer la durée de vie du produit, et donc à nouveau de diminuer le gaspillage du produit et ainsi fortement diminuer son impact. Cependant, il faut ajouter à l’empreinte environnementale du jus de citron les impacts de la production de ces additifs.

Donc le jus de citron en bouteille serait globalement meilleur que le citron frais?

Plutôt oui si les citrons ne sont utilisés que pour la consommation de leur jus. Par contre, bien sûr, si on cherche aussi à utiliser le zeste ou la peau, voire le citron tout entier pour la cuisine ou le ménage par exemple, cette comparaison ne tient plus.

De plus, si on ne s’intéresse pas seulement au jus pour des questions de goût, mais aussi pour des questions nutritionnelles, alors il faudra s’assurer, au moins en lisant des informations sur la bouteille, que le jus pressé, en particulier s’il est fait à partir de concentré, contient toujours une quantité similaire de vitamine C et d’antioxydants. 

Aussi, on a vu qu’un des principaux contributeurs à l’impact du citron était le transport. Peut-être que dans quelques années, la production de citrons se développera au Canada à l’échelle industrielle. C’est déjà le cas de façon un peu anecdotique dans l’Ouest, notamment sur l’île de Vancouver, où les températures sont plus clémentes. Cela pourrait permettre de réduire grandement les impacts du transport et donc de rendre les citrons locaux meilleurs d’un point de vue environnemental, par rapport aux citrons importés. Si tant est que la consommation d’énergie nécessaire pour les faire pousser par chez nous ne vienne pas complètement contrebalancer ce gain !


Ce billet de blogue est tiré d’une chronique présentée le 18 octobre 2023 par Elliot Muller, associé de recherche au CIRAIG, à l’émission Moteur de recherche de Radio-Canada.


Bibliographie

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Cabot, M. I., Lado, J., & Sanjuán, N. (2023). Multi-season environmental life cycle assessment of lemons : A case study in south Uruguay. Journal Of Environmental Management, 326, 116719. https://doi.org/10.1016/j.jenvman.2022.116719

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O’Citrus | Place aux agrumes québécois ! (2019, 28 mars). La Presse. https://www.lapresse.ca/affaires/portfolio/laval/201903/28/01-5219940-place-aux-agrumes-quebecois-.php

Privé, M. (2023, 4 janvier). Des détails ? 3 éléments très importants pour bien choisir son jus de citron. https://www.passeportsante.net/. https://www.passeportsante.net/magazine/nutrition?doc=details-elements-tres-importants-bien-choisir-jus-citron

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