Quel est l’impact environnemental du télétravail ?

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État des lieux du télétravail

Une très forte hausse du nombre de télétravailleurs a été constatée avec l’arrivée de la pandémie et le confinement. Mais qu’en était-il avant ?En 2016, au Canada, environ 14% des employés déclaraient faire régulièrement au moins quelques heures de télétravail. Ailleurs dans le monde, le taux varie beaucoup entre les pays, avec par exemple un taux d’environ 37% au Danemark.

Le profil type du télétravailleur

La personne en télétravail a souvent un métier de gestion et d’enseignement. Elle a un revenu élevé et détient un diplôme universitaire.

Pas juste du virtuel

Le télétravail repose en grande partie sur l’accès à des technologies du numérique qui utilisent internet. On l’oublie souvent, mais le numérique ce n’est pas juste virtuel et cela a des impacts environnementaux bien réels.

Quel est l’impact environnemental du numérique ?

Le secteur du numérique représente 4% des émissions de gaz à effets de serre dans le monde et pourrait doubler d’ici 2025 (augmentation de 9%/an selon The Shift Project). 80% de ces émissions de GES sont pour des usages vidéos (streaming, porn, tubes, vidéoconférence, etc.).

D’où proviennent ces impacts ? 

Pour pouvoir accéder à des données via internet, différents paramètres sont essentiels. Il faut  tout d’abord des centres de données qui stockent toutes les données dans des serveurs ainsi qu’un réseau de routeurs pour faire circuler des données. Il faut ensuite un ordinateur ou un téléphone pour consulter les données mais surtout d’électricité pour faire fonctionner le tout.  

Les émissions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie du numérique sont principalement dues à l’électricité consommée sur tout le cycle de vie (56%) ainsi qu’à la fabrication des équipements électroniques des utilisateurs (40%). 

Bien sûr, plus on échange de données, plus l’impact sera grand, comme c’est le cas pour les vidéos qui requièrent l’échange d’une grande quantité de données. Pour donner un ordre de grandeur : 10 heures de vidéo haute définition (HD) équivaut à autant de données que TOUT le contenu de Wikipédia en anglais en format texte.

Et l’impact des technologies utilisées pour le télétravail ?

Quand on a un métier qui permet le télétravail, on utilise déjà souvent beaucoup de technologies numériques sans être pour autant en télétravail. Ce qui change principalement quand on est en télétravail, c’est qu’on a recours à plus d’outils de communication numérique : plus de vidéoconférence, plus de messages instantanés, plus de courriels, plus d’appels téléphoniques. 

Comparons l’empreinte carbone de ces différents moyens de communication :

  • 1 minute de vidéo conférence = 16 gCO2eq. Cet impact peut varier grandement dépendamment de l’équipement utilisé et de la qualité de la vidéo.
  • 1 courriel moyen = 4 gCO2eq et jusqu’à 50g pour un courriel avec des pièces jointes volumineuses. 1 message instantané correspond au même ordre de grandeur qu’un courriel.
  • 1 minute d’appel au téléphone ou 1 message texte envoyé sont de l’ordre de 0.01 g CO2eq.

Par exemple, l’empreinte carbone additionnelle de ma journée type en télétravail : 3 heures par jour en vidéoconférence + 300 messages instantanés = 3.3 kgCO2eq / jour.

Est-ce que le télétravail peut aider à réduire l’empreinte de nos déplacements ?

Le transport des personnes représente 8% des émissions de gaz à effet de serre du Canada.

Environ la moitié de nos déplacements quotidiens consiste à se rendre au travail. 70% des personnes utilisent l’auto, 20% les transports en commun, et 10% la marche ou le vélo.

La distance moyenne domicile-travail varie de 6 à 18km au Canada. À Montréal par exemple, l’empreinte carbone moyenne de la navette domicile-travail correspond à 2t CO2eq par an par personne (pour une personne faisant un trajet de 13 km et travaillant 5 jours par semaine).

En général, recourir au télétravail permet de moins se déplacer et donc de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les impacts des particules fines liés au transport routier. Si on reste travailler à la maison plutôt que de se rendre au travail en auto, on observe deux effets. On va tout d’abord éviter les impacts dus à notre propre déplacement. Et on va également réduire la congestion en mettant une auto de moins sur la route en heure de pointe. Ainsi les autres véhicules passent moins de temps à l’arrêt, donc moins de polluants sont émis.

Cependant, les bénéfices environnementaux du télétravail vont dépendre de plusieurs facteurs :

  • La distance domicile-travail : plus une personne habite loin de son lieu de travail et plus faire du télétravail va sauver des gaz à effet de serre.
  • Les heures habituelles de déplacement (heure de point ou non)
  • Le mode de transport habituel pour se rendre au travail : le transport en auto émet trois fois plus de gaz à effet de serre que le transport en commun (par passager et par km).
  • L’intensité d’utilisation des outils numériques quand une personne est en télétravail.

J’habite à 6 km de mon travail et j’ai fait le calcul pour une journée type. Si je me rends en auto au travail, mon transport quotidien représentera 3.6 kgCO2eq/jour. Donc les impacts additionnels liés à mon télétravail seraient tout juste compensés par le fait de ne pas me rendre au travail en auto. En revanche, si je prends les transports en commun, l’impact additionnel de mon télétravail sera plus grand que l’impact évité de mon transport. Dans mon cas, il n’y a pas de bénéfice environnemental à faire du télétravail.

Certains auteurs soulignent aussi que le télétravail peut avoir des effets rebonds négatifs. Par exemple, la possibilité de télétravailler fait que certaines personnes choisissent d’habiter plus loin de leur lieu de travail et finissent par augmenter leurs distances parcourues par semaine.

Quelques conseils pour un télétravail plus sobre en carbone

Plusieurs actions concrètes sont possibles afin de réduire l’émission de carbone au cours de nos journées de télétravail. 

  • Limiter l’impact des vidéoconférences en :
    • N’utilisant pas la HD ;
    • Coupant la vidéo quand ce n’est pas nécessaire : cela permet d’utiliser 1000 fois moins de bande passante (on se fait un coucou au début et à la fin de la rencontre par exemple).
  • Envoyant des courriels et des messages pas trop volumineux.
  • Prolongeant la durée de vie de ses appareils électroniques pour amortir leur impact environnemental.
  • Évitant de regarder des vidéos en ligne pendant les pauses !

Voir infographie sur comment télétravailler léger.

Conseils pour un télétravail plus sobre en carbone.

Ce billet de blogue est tiré d’une chronique présentée le 14 avril 2020 par Laure Patouillard, coordonnatrice scientifique et associée de recherche au CIRAIG, à l’émission Moteur de recherche de Radio-Canada.


Bibliographie

Bordage, F. (2019). Empreinte environnementale du numérique mondial, 40. Retrieved from https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf

Ferreboeuf, H. (2019). Lean ICT – towards digital sobriety (The Shift Project), (March), 90. Retrieved from https://theshiftproject.org

Ravalet, E., & Rérat, P. (2019). Teleworking: Decreasing mobility or increasing tolerance of commuting distances? Built Environment, 45(4), 582–602. https://doi.org/10.2148/benv.45.4.582

Tanguay, G. A. (2018). Impacts potentiels du télétravail sur les comportements en transport, la santé et les heures travaillées au Québec.

Ong, D., Moors, T., & Sivaraman, V. (2014). Comparison of the energy, carbon and time costs of videoconferencing and in-person meetings. Computer Communications, 50, 86–94. https://doi.org/10.1016/j.comcom.2014.02.009

ADEME. (2017). Éco- Responsable au Bureau, 28. Retrieved from http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/guide-pratique-ecoresponsable-au-bureau.pdf

BBC. (2020). Why your internet habits are not as clean as you think. Retrieved from https://www.bbc.com/future/article/20200305-why-your-internet-habits-are-not-as-clean-as-you-think

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