Le sirop d’érable est-il bon pour la planète ?

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C’est quoi le cycle de vie du sirop d’érable ?

Actuellement, plus de 72% de la production mondiale de sirop d’érable est faite au Québec. Environ 10% de la production canadienne est consommée au Canada, et le reste est exporté principalement aux États-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni.

Les premières cabanes à sucre sont apparues dans les années 1850. Traditionnellement, l’eau d’érable (la sève) était recueillie dans des chaudières en métal accrochées aux arbres. Elles étaient vidées une fois par jour, et transportées jusqu’au système d’évaporation par des chevaux. Depuis les années 70, la production de sirop d’érable a été industrialisée.

Le cycle de vie du sirop d’érable se découpe aujourd’hui en plusieurs étapes :

  • la gestion de l’érablière pour obtenir un bon rendement par entaille,
  • la transformation en sirop qui consiste à récolter l’eau d’érable avec un réseau de tubulures, puis à concentrer cette eau par osmose inverse, et enfin à la chauffer dans des évaporateurs pour obtenir le précieux sirop d’érable,
  • la distribution et le conditionnement : le sirop est transporté pour être centralisé dans des réserves, est mis en canne puis redistribué ensuite dans les épiceries,
  • la consommation pour notre plus grand plaisir !

Quelle est l’empreinte carbone de la production de sirop d’érable ?

D’après une étude du Groupe AGECO, une canne de sirop d’érable en 2021 émet environ 600 g de GES, soit l’équivalent d’1.7 km en auto.

Le gros de l’empreinte est dû au contenu de la canne, c’est-à-dire au sirop en lui-même. En effet, l’emballage ne représente que 15% de l’empreinte et le transport 5%. Plus de la moitié de l’empreinte carbone du sirop provient de l’étape de transformation. En effet, aujourd’hui 50% du sirop est produit avec un évaporateur au mazout, ce qui engendre les émissions de  CO₂ importantes lors de sa combustion pour créer de la chaleur.

Devrais-je faire attention lors de ma prochaine visite à la cabane à sucre ?

Pas de panique ! Au final, le sirop d’érable ne représentera que 1% de l’empreinte carbone de votre portion de jambon à l’érable. Et même si vous décidez de vider la moitié de votre canne d’érable dans l’assiette, l’empreinte de votre repas sera toujours dominée par la viande.

Est-ce mieux de faire bouillir l’eau d’érable avec du bois ?

En 2020, les évaporateurs à bois étaient essentiellement utilisés par des petits producteurs car ils ont le temps de produire leur bois et d’opérer l’évaporateur pendant le temps des sucres. Ces évaporateurs représentent environ 30% des émissions GES de la production du sirop d’érable.

Un évaporateur à granules de bois permet d’avoir une empreinte carbone de la transformation en sirop 82 fois moins élevée comparé à un évaporateur au mazout. Le gain est encore plus grand en changeant pour un évaporateur électrique au Québec.

Finalement, changer son évaporateur pour une technologie plus propre permet de réduire de plus d’un quart les émissions de GES du cycle de vie de notre canne de sirop. D’ailleurs, les Producteurs et Productrices Acéricoles du Québec se sont fixés comme objectif de réduire leurs émissions de GES en poussant l’adoption d’évaporateur plus propre (-29% d’ici 2030).

Le sirop d’érable est-il un bon choix environnemental pour sucrer ses plats ?

Par kg produit, le sucre de canne et le sirop d’érable ont à peu près la même empreinte carbone1.

Cependant, le pouvoir sucrant du sirop d’érable est plus faible que celui du sucre. Pour obtenir le même gout sucré, il faut mettre 67% de sirop en plus. Donc, en les comparant en fonction de leur pouvoir sucrant, le sirop d’érable sera deux fois plus impactant que le sucre de canne.

Mais attention, dans cette comparaison, on n’intègre pas le fait que les érablières sont des puits de carbone...

La production du sirop a un impact sur les changements climatiques, mais les érablières captent aussi du carbone non ?

Les érablières sont considérées comme des puits de carbone, c’est-à-dire que la quantité de CO₂ rejetée par la décomposition du bois mort est plus faible que la quantité de CO₂ captée par photosynthèse lors de la croissance des érables et stockée dans son tronc, ses branches et ses racines.

D’après une étude menée en 2016 par le Groupe AGECO, les érablières en production au Québec permettraient de stocker 962 000 tonnes de  CO₂ par année, soit l’équivalent de 9% des émissions de GES annuelle du parc automobile au Québec. Donc finalement, les érablières stockent 8 fois plus de carbone que ce que la production de sirop d’érable émet !

Par ailleurs, pour que les érablières restent en bonne santé et contribuent au maintien de la biodiversité, il est important qu’elles soient gérées de façon durable. Les actions suggérées sont de maintenir une certaine proportion des espèces compagnes de l’érable, de maintenir une structure d’âge inéquienne2 pour assurer le renouvellement continu de la forêt, et de conserver du bois mort au sol dans l’érablière.

Et inversement, est-ce que le changement climatique pourrait affecter la production de sirop d’érable ?

Malheureusement, la production de sirop d’érable telle que nous la connaissons aujourd’hui est menacée par l’impact des changements climatiques. Avec l’augmentation des températures dans nos régions, les experts prévoient que la zone de production optimale de sirop d’érable va se décaler vers le Nord. Cela engendra plusieurs conséquences sur les zones de production actuelles :

  • la saison des sucres devrait arriver 2 à 3 semaines plus tôt d’ici la fin du siècle,
  • le rendement de production du sirop d’érable va donc diminuer aux États-Unis, mais augmenter dans les régions nordiques,
  • le taux de sucre du sirop va baisser,
  • la production de sirop d’érable pourrait devenir impossible lors des années les plus chaudes.

Donc profitons-en pendant qu’il est encore temps !


1 Le changement direct d’usage des terres (pouvant mener à de la déforestation) est pris en compte pour le sucre de canne et représente 40% de l’empreinte carbone (ecoinvent v3.8).

2 Se dit d’un peuplement forestier ou d’une forêt dont les arbres appartiennent à plus d’une classe d’âge.


Ce billet de blogue est tiré d’une chronique présentée le 2 mars 2022 par Laure Patouillard, associée de recherche au CIRAIG, à l’émission Moteur de recherche de Radio-Canada.


Bibliographie

Communication personnelle avec Julie-Anne Chayer, directrice du Groupe AGECO.

Gouvernement Québec. (2020). Portrait-diagnostic sectoriel acéricole.

Les produits d’érable du Québec. (2016). Bien plus que du sirop. Retrieved from https://erableduquebec.ca/uploads/2018/09/érable-et-le-développement-durable.pdf.

Bernier, R. (2020). Évaporateur d’eau d’érable.

Fédération des producteurs acéricoles du Québec. (2018). FICHE INDUSTRIELLE SIROP D’ÉRABLE DU QUÉBEC. Retrieved from http://ilvasodipandoro.com/wp-content/uploads/2020/04/Scheda-tecnica_sciroppo-dacero.pdf.

Messier, C., & Beaudet, M. (2014). Pour un aménagement durable des érablières, (1), 4799.

Houle, D., Paquette, A., Côté, B., Logan, T., Power, H., Charron, I., & Duchesne, L. (2015). Impacts of climate change on the timing of the production season of maple syrup in Eastern Canada. PLoS ONE, 10(12), 1–14. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0144844.

Ahmed, S., Bryan, A., & Dufour, B. (2017). What are the impacts of climate change on maple syrup production and can we manage for them ? ACERnet – Acer Climate and Socio- Ecological Research Network.

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