Le 20 septembre 2021, les 26 millions d’électeurs canadiens seront appelés à voter pour élire le prochain gouvernement du Canada. Ce vote aura été précédé de 36 jours de campagne électorale, pendant laquelle les candidats des différents partis ont sillonné le pays pour rencontrer les électeurs et présenter leurs programmes. Comme toute activité humaine, cette campagne électorale a un impact sur l’environnement.
Quelle est l’empreinte carbone d’une campagne électorale? La réponse à cette question reste un mystère, car il existe peu d’études sur le sujet. Les différents partis sont souvent questionnés sur les actions qu’ils mettent en place pour mener une campagne écoresponsable. Mais, sans étude permettant de déterminer quelles sont les principales activités d’une campagne électorale qui contribuent aux émissions de gaz à effet de serre (GES), il reste très difficile de savoir si les mesures prises par les différents partis sont efficaces pour réduire leur empreinte carbone.
Le cycle de vie d’une campagne électorale
Regardons de plus près le cycle de vie de l’ensemble de la campagne électorale afin de mieux comprendre les activités qui contribuent à son empreinte carbone. Une campagne électorale n’inclut pas le processus de vote en tant que tel (boîte de scrutin, bulletin de vote) et peut être divisée en quatre groupes d’activités :
- Une campagne de communication
- L’organisation et la participation à des évènements (comme les assemblées publiques)
- Le transport des équipes de campagne
- La gestion logistique et administrative de la campagne
Dans le cycle de vie de la campagne de communication, on retrouve bien sûr les fameuses pancartes électorales faites en polypropylène (Coroplast), qui ne sont pas recyclables en passant par la collecte ordinaire. La campagne de communication se fait aussi par du démarchage individuel en distribuant des prospectus ou en faisant du porte-à-porte. Mais ce n’est pas tout. La communication passe aussi par les médias (TV, radio, journaux) avec l’organisation de débats, d’entrevues et la diffusion de publicité de campagne. Elle se fait également par l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux. On l’oublie souvent, mais diffuser un statut sur Facebook ou envoyer un courriel a une empreinte carbone en raison de l’énergie nécessaire pour stocker les données et pour le fonctionnement du réseau Internet.
Dans le cycle de vie de l’organisation d’évènements, il y a le transport des participants (et des médias), l’hébergement des participants et des organisateurs, l’alimentation, qui comprend la nourriture, les boissons et la vaisselle, la gestion des déchets, les équipements (son, image, mobilier), et, enfin, la consommation d’énergie pour faire fonctionner le tout. Des articles promotionnels peuvent aussi être distribués. De façon générale, l’empreinte carbone des évènements est le plus souvent dominée par les émissions de GES générés par le transport des participants pour se rendre à l’évènement. Ce sont d’ailleurs ces émissions liées au transport que la plupart des calculateurs de compensation carbone proposent de quantifier et de compenser.
L’empreinte carbone du transport de l’équipe de campagne va beaucoup dépendre des modes de transport utilisés (bus, avion, auto), mais aussi du taux d’occupation des véhicules, des distances parcourues et du nombre de personnes transportées. Bien sûr, moins on fait de kilomètres et moins on transporte de personnes, plus l’empreinte carbone liée au transport sera faible.
Il est aussi clair que faire voler un avion sur un kilomètre émet environ 10 fois plus de GES que de faire rouler un autobus. Or l’avion peut contenir jusqu’à 3 fois plus de passagers. En fait, affirmer que le transport d’un passager en autobus est préférable au transport en avion dépend grandement du nombre de passagers par véhicule. Par exemple, un autobus rempli au quart émet autant de GES par passager et par km qu’un avion rempli à moitié. Il est donc important de choisir un bus de campagne bien adapté au nombre de personne qu’on veut transporter ou de ne pas prendre un avion à moitié vide. Par ailleurs, peu importe la distance parcourue, un avion émet une quantité de GES inévitable due à la consommation importante de carburant lors du décollage et de l’atterrissage. L’avion n’est donc généralement pas une bonne option pour parcourir des courtes distances.
Les élections en France : 13 000 tonnes de CO2eq!
Nous n’avons trouvé qu’une seule étude basée sur l’analyse du cycle de vie ayant quantifié l’empreinte carbone d’une campagne électorale. Il s’agit de la campagne pour l’élection présidentielle en France en 2012. Bien sûr, la France et le Canada ne sont pas comparables directement. Leur taille différente implique des déplacements sur de plus ou moins grandes distances et leur mode de scrutin est différent. En France, il faut compter deux tours, la campagne officielle dure environ 30 jours, et deux fois plus d’électeurs se rendent aux urnes. Cependant, les conclusions de cette étude nous donnent une idée des grandes tendances.
En prenant en compte des campagnes des cinq principaux candidats, l’étude estime que l’empreinte carbone complète de la campagne électorale en France est de l’ordre de 13 000 tonnes de CO2eq. En mettant en perspective ce chiffre par rapport au nombre d’électeurs, l’étude nous informe que cela représente 250g CO2eq/pers, soit « à peine 2 km en voiture chacun ou encore l’équivalent d’une bonne pièce de viande ». Dans cette étude, l’empreinte carbone provient principalement du déplacement des citoyens pour participer aux rassemblements organisés par les partis et de l’impression des tracts, affiches de campagne et brochures décrivant le programme des candidats.
En conclusion, l’étude souligne qu’il est nécessaire de distinguer les « émissions générées dans le but d’exercer notre citoyenneté et de rassembler les individus (qui) sont essentielles et nécessaires, contrairement à d’autres (émissions) qui pourraient/devraient être évitées ». L’idée n’est pas de ne pas faire de campagne électorale, mais de trouver un équilibre entre toucher un maximum de personnes et minimiser l’empreinte environnementale.
Des pancartes plus petites et un autobus bien rempli…
Voici huit actions qui peuvent être posées pour réduire l’empreinte carbone d’une campagne (en se rappelant qu’on peut difficilement juger de leur efficacité relative sans avoir un aperçu de l’empreinte carbone complète de la campagne) :
- Concevoir des pancartes électorales à empreinte réduite : faire des pancartes plus petites, imprimer sur le verso de la pancarte pour augmenter la visibilité du message sans utiliser plus de matières premières.
- Réutiliser les pancartes ou les faire recycler en les rapportant auprès de récupérateurs spécialisés (et non dans la collecte ordinaire).
- Utiliser du papier recyclé et recyclable pour faire les autres supports de communication papier.
- Rester sobre pour la campagne sur Internet : éviter de créer des sites Internet avec des vidéos en «streaming», limiter le nombre de courriels et de statuts sur les réseaux sociaux, limiter la durée des vidéos créés et éviter de les visionner en HD.
- Privilégier les entrevues à distance plutôt qu’en personne afin d’éviter le transport superflu.
- Limiter les articles promotionnels et privilégier ceux qui peuvent être réutilisés souvent.
- Limiter l’empreinte liée au transport des participants : encourager le covoiturage ou l’utilisation des transports publics ou actifs lorsque c’est possible, choisir un endroit facilement accessible pour tenir les évènements.
- Limiter l’empreinte de l’alimentation : bien planifier les quantités pour limiter le gaspillage alimentaire, donner les restes alimentaires à des organismes, privilégier les repas avec peu ou pas de viande, servir des aliments locaux et de saison, servir de l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille, préférer la vaisselle réutilisable.
Pour réduire l’empreinte carbone des déplacements de l’équipe de campagne, il faut bien planifier ceux-ci afin de limiter les longs déplacements inutiles, déplacer un nombre minimal de personnes, prévoir la bonne taille de véhicule pour que celui-ci soit le plus rempli possible et éviter les déplacements en avion pour des courtes distances. Et, enfin, compenser toutes les émissions de GES qui ne peuvent pas être réduites.
Ce billet de blogue est tiré d’une chronique présentée le 2 octobre 2019 par Laure Patouillard, coordonnatrice scientifique et associée de recherche au CIRAIG, à l’émission Moteur de recherche de Radio-Canada.